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Christian Gailly
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« L'histoire est classique du buveur désintoxiqué qui, après des années d'absolue sobriété, s'autorise soudain un petit verre. Juste un petit verre. Et replonge. À fond. Mais l'on ne se soûle pas que d'alcool. Parfois on ne retombe que pour mieux ressusciter. Retourner à son vice, à son démon - à son art - ouvre de somptueux vertiges, interdits aux repentis. Voyez Simon Nardis, le nouveau personnage de Christian Gailly. Il a suffi d'un soir au club, un petit club de province, pour qu'il se remette à la vodka... et au jazz.
Dix ans plus tôt, pianiste renommé, il avait abandonné pour "raisons de santé". Il était devenu bon mari, bon père, bon spécialiste du chauffage industriel, n'écoutant plus que de la musique classique : "À défaut de swing il se gavait de beauté."
Ayant une heure à tuer avant de rentrer chez lui par le train, il accompagne dans le club un ingénieur dont il vient de dépanner l'usine. Et, d'entrée, il est secoué. Dans l'excellente façon de jouer des trois jeunes musiciens américains, il reconnaît... son style. Un "style qui avait pas mal chamboulé la pratique du piano en jazz".
Pendant la pause du trio il se met au clavier. La patronne du club le "reconnaît" à son jeu. Bientôt elle le rejoint sur l'estrade, se penche vers lui, reprend la mélodie au vol. Et c'est le bonheur qui revient. Fulgurant. La nuit qui suit et le lendemain, entre cet homme "près de la retraite" et cette femme "qui avait bien l'âge qu'elle ne faisait pas" va s'amplifier et se concrétiser ce bonheur. Jusqu'à se vouloir éternel. Et la femme de Simon dans tout ça ? Elle arrive. En voiture. N'en disons surtout pas plus. Il serait criminel de dévoiler ne serait-ce qu'un soupçon de la suite de l'intrigue, elle-même criminelle. À sa façon. » (Jean-Pierre Tison, Lire)
Un soir au club a reçu le prix du Livre Inter en 2002. -
Braine vient de passer trois mois dans un hôpital militaire. Il a été gravement commotionné. Il peut de nouveau dire, lire et écrire son nom. Il va rentrer à la maison. Lily l'attend. Il est de retour. Il arrive. Souhaitons-leur de vivre enfin heureux.
« Ce fameux swing que l'on retrouve dans chacun de ses livres et dans chacune de ses phrases, ô combien musicales, Christian Gailly l'a dans la peau. Dès les premières pages, on est frappé par cette écriture infiniment polie d'où surgissent d'inquiétantes lignes de faille. (...) Telle est l'essence du jazz de Christian Gailly, cette petite musique salvatrice et vénéneuse laissant le lecteur tantôt émerveillé, tantôt glacé, mais toujours médusé. » (Augustin Trapenard, Elle)
« Lily et Braine - une histoire d'amour, comme le sont toutes celles qui naissent sous la plume de Christian Gailly, ici trempée dans une encre plus noire que jamais. » (Nathalie Crom, Télérama) -
Début août, dans un site montagneux, près d'un lac, deux hommes, un jeune et un vieux, s'ignorent. L'un cherche du travail. L'autre a trouvé une maison pour les vacances, il emménage. Ils ne peuvent donc pas se rencontrer. Sauf si le jeune trouve du travail, c'est la première condition. La seconde, ce serait que le vieux ait besoin des services du jeune. En vacances, normalement, non. C'est pourtant ce qui va se passer. Comme si c'était écrit. Ça l'est, mais ce n'est pas aussi simple. Il y a des femmes dans cette histoire.
« On a envie de claquer des doigts en le lisant et de se joindre à sa jam tendre et hilarante. Gailly sait faire swinguer la langue. C'est devenu si rare. » (Gilles Anquetil, Le Nouvel Observateur)
« Éblouissant ! Be-Bop refermé, on sourit encore, ravi. La maestria de certains écrivains vous en met plein la vue et vous largue. Pas de danger que Christian Gailly vous traite de cette façon. Par exemple, là, dans ce roman dont le titre annonce la couleur et où il est beaucoup question de Charlie Parker, de Coltrane, de Gerry Mulligan, le profane que nous sommes en matière de jazz, loin d'éprouver une frustration, se sent complice. » (Jean-Pierre Tison, Lire)
« On pourrait dire que Gailly écrit comme il pense, mais il est certainement plus exact de préciser qu'il pense comme il écrit : c'est qu'il a compris, comme peu d'autres, que l'écriture n'est sans doute pas ce point d'impact, ce but à atteindre un peu paralysant, mais bien l'origine même de ce qu'on est, ou de ce qu'on veut être. » (Gilles Tordjman, Les Inrockuptibles)
Be-Bop est paru en 1995. -
Imaginez. Il ne vous reste que deux jours à vivre. Qu'est-ce qui est préférable ? Finir tranquille dans l'ennui qu'aura été toute votre vie ? Ou bien, si vous êtes musicien, comprendre enfin pourquoi votre musique vient d'être huée et, dès le lendemain, rencontrer celle qui devrait être votre dernier amour ?
« Ultime partition amoureuse d'un compositeur proche de la mort, récit tragique et léger : le douzième roman de Gailly est tout simplement parfait. Dernier amour est la suite exacte d'Un soir au club, ou plutôt l'histoire de ses effets sur un romancier plus souverainement musical que jamais. Tout cela tient bien sûr à peu de choses, et touche donc à l'essentiel : la vie, la mort, le piano.
Paul Cédrat est compositeur de musique dite contemporaine. Le quatuor Alexander doit interpréter, un soir d'été à Zurich, son Quatuor à cordes, opus 12, entre une pièce de Haydn et l'Opus 131 de Beethoven. Paul est dans la salle, c'est la minute de son oeuvre, et c'est aussitôt le flop : l'assistance marque son mécontentement, il faut précipiter l'entracte, il ne reste plus qu'à passer à Beethoven. Et à mourir. Car Paul est trop maigre et très malade, aussi s'en va-t-il agoniser au bord de la mer.
Avec la facilité d'un pianiste qui n'a presque plus besoin de jouer, ou alors seulement quelques notes, Gailly se permet une sorte d'improvisation au bord du gouffre : des silences, beaucoup de vide, quelques motifs et deux ou trois couleurs. À peine un roman, en vérité : quelque chose comme l'ébauche d'une chanson, l'équivalent littéraire tout juste murmuré de It Was a Very Good Year, le chef d'oeuvre de Sinatra sur lequel tombe Paul à la radio. Mais du Sinatra joué par un Bill Evans très fatigué : tragique et léger, merveilleusement syncopé, attrapant sa vie comme une mélodie impossible à sauver, et se sauvant bien sûr par elle. » (Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles)
Dernier amour est paru en 2004. -
Une nuit alors qu'il est au lit dans le noir et somnole la radio allumée, la musique de Mozart s'insinue dans la chambre et le réveille. L'émotion est si forte qu'il a peur de la perdre, de ne jamais pouvoir la revivre. Il se procure différents enregistrements de l'oeuvre, les écoute, mais chaque fois quelque chose manque, il ne retrouve pas le plaisir de cette nuit-là. Puis un jour il apprend que le concerto va être donné à Paris. Il décide de s'y rendre.
« Peut-on éterniser une émotion musicale, empêcher le temps de l'altérer ? C'est ce que tente le narrateur, ébloui par le Concerto pour clarinette en la majeur de Mozart (K.622), qu'il a écouté, une nuit, à la radio. Il cherche à mettre en scène le plaisir et l'émotion qu'il a éprouvés à la première écoute. Mais s'il est possible de reproduire le décor extérieur, "le décor intérieur, lui, n'est pas reproductible". Pour évoquer cette chute de l'absolu, ce passage de l'extase à la déception, Christian Gailly accomplit des variations pathétiques et burlesques, le narrateur prend une allure de clown perdu qui semble vouloir expier sa propre impossibilité à rejoindre la beauté. Comme hanté par l'idée de perdre la grâce vibrante de son récit, Christian Gailly le suspend à son moment le plus dense : l'approche tremblante des corps. Une pirouette narquoise interrompt la vague de lyrisme. Cette élégance de l'ironie, cette musique des mots brisée à son apogée, appartiennent en propre à Christian Gailly et sont la marque de son talent. » (Jean-Noël Pancrazi, Le Monde)
K.622 est paru en 1989. -
Elle n'avait pas prévu qu'on lui volerait son sac à la sortie du magasin. Encore moins que le voleur jetterait le contenu dans un parking. Quant à Georges, s'il avait pu se douter, il ne se serait pas baissé pour le ramasser.
« Tout pilote connaît la consigne : après chaque vol, il faut remplir le livre de bord. Remplir le livre de bord, telle est donc, en bonne logique, la dernière phrase d'un roman qu'on découvre étonnamment semblable à un numéro de voltige aérienne, avec préparation au sol, envol, figures et atterrissage en finesse. Un art de l'arabesque que Christian Gailly cultive avec une virtuosité croissante.
Cela commence par un sac à main arraché près de la place Vendôme, un jour de canicule. Un... vol inaugural, en quelque sorte. On apprend ultérieurement l'identité de la victime : Marguerite Muir, quarante ans. Un peu plus tard encore, on découvre celle-ci dentiste. On sait aussi qu'elle possède un brevet de pilote, depuis que Georges Palet, cinquante-huit ans, a retrouvé ses papiers, jetés sur le parking de l'hypermarché Continent, à L'Haÿ-les-Roses, Val de Marne. Autre information : celui qui raconte est un familier de Marguerite et pratique lui-même le pilotage. Mais sur ce chapitre, on n'en saura jamais davantage. On nous révèle incidemment que Georges Palet se trouve assigné à résidence et privé de droits civiques. Des histoires avec des femmes. Peut-être même un meurtre. Autre détail, qui ne sera dévoilé qu'à l'approche de la fin, la vedette masculine du roman de Christian Gailly se passionne pour les avions de combat et ne rate aucun film de guerre... » (Jean-Claude Lebrun)
L'Incident est paru en 1996. Il a été adapté au cinéma par Alain Resnais sous le titre Les Herbes folles en 2009. -
Le jeune Jérémie Tod ressemble trop à son père. On va le lui faire payer. En pleine rue, on le fait battre par un policier. Un homme, Théo Panol, intervient. Maladroit, il tue le policier. Il est arrêté, jugé et condamné : trente ans de réclusion. Ses amis décident de le faire évader. Les chances de réussite sont à peu près nulles. Ils vont quand même essayer.
« Les Évadés est un inextricable entrecroisement d'histoires d'amour, d'histoires d'amour présentes et passées, d'histoires d'amour agonisantes et larvées, d'histoires d'amour réelles et chimériques, les personnages étant liés sans exception par des liens sentimentaux aussi vifs qu'incertains. Nous pourrions dire tout simplement que Christian Gailly, avec ce roman, enferme dans l'espace clos d'une petite ville une communauté d'individus sans illusion, qu'il les suit chacun avec la même attention, la même acuité, la même cruauté, et qu'il les anime comme un marionnettiste. Les Évadés est un roman très romanesque, en CinémaScope et en Technicolor, aux résonances de série B. Mais Les Évadés est peut-être aussi une parabole sur la solidarité, sur la beauté du sentiment collectif. La même idée germera en effet au même instant dans la tête des principaux personnages, dans une sorte de télépathie et d'illumination générale : faire évader Théo Panol. La scène est belle, elle fait penser à ces films de Lubitsch ou de Capra où les opprimés réunissent leurs petites forces et leurs grands sentiments pour partir à l'assaut des oppresseurs et des salauds, et le souffle qui traverse le dernier quart du livre est aussi riche et inventif qu'il est salutaire : il vient à point nommé pour nous rappeler, en ces temps d'individualisme et de cloisonnement, que la beauté du soulèvement collectif n'a pas d'égal - dût-il se terminer dans le sang. » (Éric Reinhardt, Les Inrockuptibles)
Les Évadés est paru en 1997. -
Un homme roule sur une route de campagne. Il rentre chez lui. Il est presque rendu. C'eût été trop simple : une voiture arrive en face, c'est celle de son ami Lucien mais, quand il la croise, Lucien n'est pas à l'intérieur, c'est une femme qui conduit, une inconnue au visage flou, dominé par le rouge. Qui est-elle ? Et Lucien, où est-il ? Et ce rouge, qu'est-ce que c'est ? Du rouge à lèvres ? De la confiture ? Du sang ? On dirait des peintures de guerre.
« Des larmes et du sang, voilà bien ce que promet le beau titre du nouveau roman de Christian Gailly. Nuage rouge, c'est l'annonce de ciels peints, chargés d'un orage que la prose ne cessera de remettre, éludante et dilatoire, sournoisement enjouée. C'est aussi l'invention, peut-être, d'une forme originale de fiction : le polar bègue. Bègue, le narrateur l'était avant que ne commence son histoire, que ne se délie sa langue de témoin - héros, il ne le sera de rien, pas même du fait divers assez sordide qui sert d'intrigue à ce livre saisissant. » (Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles)
« Les personnages de Christian Gailly sont, plus que jamais, de son propre aveu, des égarés. À l'image de Rebecca Lodge, l'héroïne danoise de Nuage rouge, qui, "sans perdre de vue le soleil et l'amour", finit par s'égarer, un après-midi d'été, sur une petite route de la campagne vendéenne. Multiples variations sur un même geste, oscillations infinies, art, merveilleusement affiné, de la suspension. Christian Gailly emporte définitivement le coeur. » (Jean-Noël Pancrazi, Le Monde)
Nuage rouge est paru en 2000. -
Une femme et un homme. C'est tout simple. La femme doit remplacer la cartouche de son stylo. L'homme, lui, doit se rendre chez un vieil ami. Donc tout les sépare. Ils ont pourtant quelque chose en commun. Le métro.
"Ça commence quelque part dans la banlieue sud. On prend ensuite le RER, ligne B, vers la capitale. À Denfert-Rochereau, on emprunte la correspondance avec le métro, direction Étoile. Arrêt à Trocadéro. On s'avance alors jusqu'à un immeuble de la rue Greuze, au numéro 18. Un professeur Lachowsky, psychiatre ou psychanalyste, y tient son cabinet ; un certain Boyer y habite. On entre. On commence d'y monter l'escalier... Ce petit récit, sous ses allures de chronique ordinaire de la vie de banlieusards, se profile à n'en pas douter comme l'un des tout meilleurs romans de cette fin d'automne. Parce que l'écriture, tantôt drôle et tantôt nouante, y capte de façon remarquable, avec acuité et fantaisie, le flot mouvant des impressions et des pensées de deux personnages, une femme et un homme, pour qui le plan du réseau RATP se lit comme une véritable carte du tendre. Si l'on ajoute qu'un narrateur facétieux, lui-même romancier, n'hésite pas à mettre son grain de sel dans l'aventure en train de se dessiner, on peut avancer que Les Fleurs, cinquième roman de Christian Gailly, retrouve et même amplifie cette verve et cette puissance suggestive, qui font de ses ouvrages de vrais bonheurs de lecture."
(Jean-Claude Lebrun, L'Humanité) -
Anna l'avait prévenu. S'il arrive quelque chose à Suzanne, je m'en vais. Immédiatement. Définitivement. On ne voulait plus de lui, il ne veut plus de cette vie. Et, au moment même où il croyait finir, voilà qu'il trouve l'envie de tout recommencer.
La Passion de Martin Fissel-Brandt est paru en 1998. -
Réparer une roue. Penser à un cadeau d'anniversaire. Confectionner un gâteau, etc. Bref, toujours aimer une femme. Ne pas rompre immédiatement. Tenter de la retrouver avant qu'il ne soit trop tard.
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Christian Gailly, né le 14 janvier 1943, a manqué sa naissance, ses parents, enfance et adolescence, études, service militaire, mariage, enfants et tous ses premiers romans. Moi, lui dit sa femme, à ta place, je donnerais des nouvelles. De qui ? dit-il. De toi, dit-elle. Comment ça ? dit-il. Comme tout le monde, dit-elle, la vie et la mort, l'impuissance à vivre et à mourir, l'amour de la lumière, l'amour, la lumière, la beauté, en peinture, musique, et littérature, lecture et écriture, édition, que sais-je encore ? Et moi donc ? dit-il. Non, il a dit non, mais c'est comme s'il avait dit oui. Il s'y est mis et voilà ce que ça donne. Rien d'important, dit le livre. Reste le plaisir d'être tenu sous un regard.
Dit-il, premier roman publié par Christian Gailly, est paru en 1987. -
Une grande cour sépare les deux ailes du château.
Dans l'une d'elles, la gauche en regardant le portail de l'extérieur, une femme joue du piano en attendant le réveil de son mari.
Dans l'autre aile, la gauche en regardant le portail de l'intérieur, un homme hante la chapelle en attendant le retour de ses forces.
Le fils, lui, assemble des modèles réduits en attendant de pouvoir s'envoler.
Le jour où il s'envole il se fait descendre.
Sa chute obligera la mère à laisser son piano.
Quant au père, lisons plutôt.
L'Air est paru en 1991. -
? Qui sonne ?
? Une femme.
? Chez qui sonne la femme ?
? Chez un homme.
? Qu'est-ce qu'elle veut ?
? Lui réclamer quelque chose.
? Quoi ?
? Quelque chose que l'homme se trouve posséder par hasard.
? L'homme sait qu'il détient la chose ?
? Bien sûr que non.
? Et alors ?