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Sciences humaines & sociales
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Il n'y a pas de Ajar : monologue contre l'identité
Delphine Horvilleur
- Grasset
- Littérature Française
- 14 Septembre 2022
- 9782246831570
L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un « purement soi », et d'une affiliation « authentique » à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu'on n'est pas que ce que l'on dit qu'on est, qu'il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu'offre le texte de se glisser dans la peau d'un autre. J'ai imaginé à partir de lui un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme...) affirme qu'il est Abraham Ajar, le fils d'Emile, rejeton d'une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre « trou juif » de La Vie devant soi : es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l'identité que tu prétends incarner ?
En s'adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l'univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l'humour juif... ou encore les débats politiques d'aujourd'hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle...).
Le texte de la pièce est précédé d'une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son oeuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des « dibbouks », des fantômes qui semblent s'échapper de vieux contes yiddish, ceux d'une mère dont les rêves l'ont construit, ceux d'un père dont il invente l'identité, les revenants d'une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l'injonction d'être un « mentsch », un homme à la hauteur de l'Histoire.
« J'avais 6 ans lorsque Gary s'est suicidé, l'âge où j'apprenais à lire et à écrire. Il m'a souvent semblé, dans ma vie de lectrice puis d'écrivaine que Gary était un de mes « dibbouks » personnels... Et que je ne cessais de redécouvrir ce qu'il a su magistralement démontrer : l'écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L'identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. » -
« Il se fait appeler Ricardo, Alexandre, Daniel ou Richard. Il est argentin, brésilien ou portugais. Il se prétend chirurgien, ingénieur, photographe ou policier, sans qu'aucune femme ne doute de la réalité de ses activités. Car ce menteur de haut vol parvient à mener en parallèle quatre vies conjugales dans plusieurs pays et sous différentes personnalités imaginaires, toutes plus séduisantes les unes que les autres.
Lorsqu'une de ses compagnes m'a contactée et que j'ai découvert l'histoire de celui que je nommerai Ricardo, elle s'est immédiatement imposée. Les hommes que j'ai aimés étaient souvent malhonnêtes et menteurs. Et dans mon travail, je me suis beaucoup intéressée aux baratineurs, bonimenteurs, vendeurs de bobards de tout acabit.
Ricardo, c'était le niveau supérieur. Il est devenu un nouvel objet à l'intérieur d'une quête personnelle sans fin ni vérité, mais dont le chemin me passionne. Quels invraisemblables stratagèmes utilise-t-il ? Pourquoi vivre sur un fil, de légende en légende? Dangereux manipulateur, grand malade, amoureux compulsif ? J'ai décidé d'enquêter, persuadée que si je n'avais pas croisé sa route, si je ne figurais pas sur la liste de ses victimes, c'était une simple coïncidence. Il m'a fascinée, terrifiée, amusée aussi.
Ce livre raconte un imposteur extraordinaire, à travers les témoignages des femmes qui l'ont aimé, un détective privé qui l'a suivi, les policières qui l'ont attrapé. De Paris à Varsovie en passant par les favelas du Brésil, un incroyable voyage à la recherche d'un caméléon de génie. Elles cherchaient l'homme idéal, il composait l'amoureux de leurs rêves. Au risque de tout perdre, et de se trouver pris à son propre piège : le nôtre, celui du livre et de la fiction ». Sonia Kronlund. -
La paix avec les morts
Rithy Panh, Christophe Bataille
- Grasset
- Littérature Française
- 22 Janvier 2020
- 9782246813255
« Une petite fille nous aborde : Qu'est-ce que vous cherchez ? Elle a un regard joueur et curieux, je lui explique. Ici, il y a des années, sous le régime khmer rouge, c'était un hôpital, et j'ai enterré de très nombreux corps dans des fosses. Puis l'eau a englouti ce lieu, et on a bâti des maisons. Elle joue avec un petit bout de bois, un peu gênée : Je sais. On dort sur les morts. La nuit, parfois, on les entend parler. J'insiste un peu : Mais tu as peur ? Elle sourit : Non, on n'a pas peur, on les connaît. »
C'est à un voyage hors du commun que nous convient Rithy Panh et Christophe Bataille, huit ans après leur livre L'élimination - un voyage vers l'enfance et vers les rizières où furent tués, par l'idéologie, la faim et la violence, 1,8 millions de Cambodgiens. Le grand cinéaste cherche les lieux où furent enterrés les siens : le tombeau de son père, dans la glaise ; la fosse où furent englouties sa mère et ses soeurs. Mais aussi le grand banyan où il s'abrita, désespéré, à treize ans, avec ses boeufs - sur cette colline, les khmers rouges n'osaient pas s'aventurer.
Rithy Panh et Christophe Bataille roulent à travers le pays, s'arrêtent, parlent avec les bonzes, questionnent les villageoises âgées, grattent la terre et trouvent des ossement, des tissus ensanglantés. L'oubli guette, et la négation. Et Rithy Panh poursuit son chemin, cherchant la paix avec les morts et tissant un rapport unique avec les vivants, qu'il côtoie, victimes, bourreaux, complices, anciens cadres khmers rouges : le travail de connaissance ne cesse pas, à hauteur d'hommes.
D'une conversation écrite avec Noam Chomsky à des échanges avec le père Ponchaud, d'un entretien avec Robert Badinter aux lettres enfantines rangées dans une sacoche de cuir, d'une méditation sur l'idéologie aux visites aux femmes-devins, les auteurs nous offrent un grand livre. -
L'élimination
Rithy Panh, Christophe Bataille
- Grasset
- Littérature Française
- 11 Janvier 2012
- 9782246790983
"A douze ans, je perds toute ma famille en quelques semaines. Mon grand frère, parti seul à pied vers notre maison de Phnom Penh. Mon beau-frère médecin, exécuté au bord de la route. Mon père, qui décide de ne plus s'alimenter. Ma mère, qui s'allonge à l'hôpital de Mong, dans le lit où vient de mourir une de ses filles. Mes nièces et mes neveux. Tous emportés par la cruauté et la folie khmère rouge. J'étais sans famille. J'étais sans nom. J'étais sans visage. Ainsi je suis resté vivant, car je n'étais plus rien."Trente ans après la fin du régime de Pol Pot, qui fit 1.7 millions de morts, l'enfant est devenu un cinéaste réputé. Il décide de questionner un des grands responsables de ce génocide : Duch, qui n'est ni un homme banal ni un démon, mais un organisateur éduqué, un bourreau qui parle, oublie, ment, explique, travaille sa légende.L'élimination est le récit de cette confrontation hors du commun. Un grand livre sur notre histoire, sur la question du mal, dans la lignée de Si c'est un homme de Primo Levi, et de La nuit d'Elie Wiesel.
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Les cinq plaies du royaume ; deuxième chronique du règne d'Emmanuel Ier
Patrick Rambaud
- Grasset
- Littérature Française
- 7 Octobre 2020
- 9782246820574
C'était l'année de toutes les promesses. C'était il y a trois ans : il y a un siècle. Avec Emmanuel le magnifique, le changement c'était pour toujours. Réformes profondes, transformations nouvelles et guerres de position. A coup de grands discours, dits d'une voix jésuite, Emmanuel en imposait.
Mais l'histoire a ses raisons et ses soubresauts. Ce n'est pas facile de triompher longtemps, même après avoir chassé François le petit et Nicolas le flambard. Dans cette nouvelle chronique, moqueuse, tragique, hilarante, Patrick Rambaud nous offre un règne malmené. Cette France est décidément ingouvernable ! Du cow-boy de la Contrescarpe, un certain Benalla, à la vacance de Monsieur Hulot, idéaliste et foutraque ; du madré duc de Lyon, le sieur Collomb, autrefois enamouré, qui prend la poudre d'escampette, au gilet jaune anonyme qui veut s'emparer de Paris : c'est l'effondrement.
Les rues de le Capitale ne désemplissent pas, ouvriers, infirmières, médecins, retraités, une colère à pied qui gronde et menace... Sans parler même de Donald le dingue, du perfide Johnson, et des nouvelles routes de la soie...
Chaque président espère sa chronique puis la redoute : c'est le prix douloureux de la gloire. Et dans les temps nouveaux, le deuxième épisode est déjà une deuxième saison... -
L'avenir des simples ; petit traité de résistance
Jean Rouaud
- Grasset
- Littérature Française
- 4 Mars 2020
- 9782246821953
On a bien compris que l'objectif des « multi-monstres » (multinationales, Gafa, oligarchie financière) était de nous décérébrer, de squatter par tous les moyens notre esprit pour empêcher l'exercice d'une pensée libre, nous obligeant à regarder le doigt qui pointe la lune, ce qui est le geste de tout dictateur montrant la voie à suivre, de nous rendre dépendant des produits manufacturés, des services et des applications en tout genre, nous dépossédant ainsi de notre savoir-faire qui est leur grand ennemi, un savoir-faire à qui nous devons d'avoir traversé des millénaires, du jardinage à la cuisine en passant par le bricolage, l'art savant de l'aiguille et du tricot et la pratique d'un instrument de musique au lieu qu'on se sature les oreilles de décibels. Reprendre son temps, un temps à soi, reprendre la possession pleine de sa vie. Et pour échapper à l'emprise des « multi-monstres », utiliser toutes les armes d'une guérilla économique, montrer un mépris souverain pour leurs colifichets : « votre appareil ne nous intéresse pas », graffite le capitaine Haddock sur un mur. Contre les transports, la proximité des services, contre l'agriculture intensive empoisonneuse, des multitudes de parcelles d'agro-écologie, ce qui sera aussi un moyen de lutter contre l'immense solitude des campagnes et l'encombrement des villes, contre la dépendance, la réappropriation des gestes vitaux, contre les heures abrutissantes au travail, une nouvelle répartition du temps, contre les yeux vissés au portable, le nez au vent, et l'arme fatale contre un système hégémonique vivant de la consommation de viande, le véganisme. Car nous ne sommes pas 7 milliards, mais 80 milliards, à moins de considérer que tout ce bétail qui sert à engraisser nos artères ne respire pas, ne mange pas, ne boit pas, ne défèque pas. Il y a plus de porcs que d'habitants en Bretagne, et quatre-vingt pour cent des terres cultivées dans le monde le sont à usage des élevages, pour lesquels on ne regarde pas à la santé des sols et des plantes. Renoncer à la consommation de viande et des produits laitiers, c'est refroidir l'atmosphère, soulager la terre et les mers de leurs rejets toxiques, se porter mieux, envoyer pointer au chômage les actionnaires de Bayer-Monsanto et en finir avec le calvaire des animaux de boucherie pour qui, écrivait Isaac Bashevis Singer, « c'est un éternel Treblinka ».
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« Ce livre, écrit au jour le jour pendant et après les attentats contre Charlie Hebdo et à l'Hypercacher, ne sort que deux ans après les événements : il fallait respecter le temps du deuil ; et me donner la faculté de suspendre celui de la réflexion. "Penser" les attentats est une gageure, parfois même un oxymore : le risque est soit de donner trop de sens à ce qui n'en a pas, soit de rater les étapes d'un processus plus complexe qu'il n'y paraît. Penser les attentats, c'est possiblement se tromper. Ce livre est un cheminement, une progression, une interrogation, un questionnement sur la radicalité, la radicalisation, la jeunesse, l'islamisation, la violence, le nihilisme. Autant de termes qu'on ressasse à longueur de journées sans jamais s'arrêter pour les creuser, les approfondir jusqu'à la nausée. Ce petit essai est obsessionnel : revenir à l'infini sur les actes, les causes, les effets, les acteurs, les conséquences, sans jamais se raturer, au risque même, çà et là, de se contredire. Les frères Kouachi, Amédy Coulibaly sont les tristes protagonistes d'un événement originel, matrice de tous les attentats qui suivirent : les notes et scolies rédigées à chaud et publiées maintenant, doivent se plaquer sur tous les attentats qui suivirent, et qui sortent tout droit, peu ou prou, de janvier 2015.Car ce qui me frappe à la relecture d'un texte rédigé il y a deux ans, c'est à quel point ce qui y était prévu est déjà advenu ou encore, hélas, à advenir . Je n'ai donc rien censuré des passages prophétiques qui me donnent aujourd'hui le sentiment d'une réflexion rattrapée par le réel, au prétexte qu'ils pourraient être lus comme ayant été rédigés rétroactivement à partir du réel : on ne s'excuse pas d'avoir eu raison trop tôt. "Nous sommes en guerre" a dit le président de la République. Les écrivains ont toujours voulu dire la guerre. Je n'échappe ni à la règle, ni à la tradition. »Y.M.
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22 décembre 2004. Pour la première fois, Simone Veil retourne à Auschwitz avec les siens à quelques semaines du 60e anniversaire de la libération du camp. Le reportage publié dans « Paris Match » avait bouleversé les lecteurs par l'intensité de l'émotion qui s'en dégageait. A l'origine de ce « voyage », Alain Genestar, alors directeur de la rédaction du magazine. Il avait réussi à convaincre Simone Veil de revenir sur les lieux où 1 million de Juifs et 120 000 autres déportés ont été assassiné par les nazis. Si Simone Veil s'était déjà rendue à deux reprises à Auschwitz lors de cérémonies officielles, elle avait toujours refusé les sollicitations des magazines et télévisons du monde entier pour réaliser un grand sujet sur elle à l'intérieur du camp.
Simone Veil a accepté la proposition d'Alain Genestar, touchée par le fait qu'il se soit rendu à Auschwitz avant de formuler sa demande. Mais aussi parce qu'elle estimait qu'il était temps, pour elle, d'engager un dialogue avec ses petits enfants, et que ce dialogue devait débuter sur place, sur ces lieux symboles du plus grand crime contre l'humanité. D'où son souhait: revenir à Auschwitz-Birkenau avec ses petits enfants.
C'est ce voyage « extraordinaire » que raconte Alain Genestar dans ce petit livre pudique. Il ne dévoile pas les propos échangés entre Simone Veil, six de ses petits-enfants et ses deux fils. Ces mots intimes, ces confidences appartiennent à eux seuls. Mais il restitue les coulisses de ce voyage, et surtout l'émotion qui les envahit et le gagne lui-même. Il décrit cette longue marche familiale dans le camp. Les souvenirs de l'ancienne déportée de 17 ans qui resurgissent telles des bouffées de douleur. Mais une douleur transmise.
En deuxième partie du livre, Alain Genestar publie l'intégrale de la longue interview que lui a accordé Simone Veil au retour de ce voyage à Auschwitz. Des propos où se mêlent la dureté, la tendresse, l'absence de pardon, l'amour des autres. Et la volonté de survivre. « Là-bas, je n'ai jamais pleuré. C'était au-delà des larmes » dit Simone Veil.
Ce livre est à la fois un document pour l'histoire et un hommage à une femme d'exception qui, avant d'entrer au Panthéon, est entrée dans le coeur des Français.Alain Genestar -
« Sous les perches des preneurs de son, on l'aperçoit parfois au milieu du cordon des gardes du corps. Des adolescents hystériques jurent qu'ils ne se laveront plus jamais la main après avoir serré la sienne. Des journalistes sont prêts à me piétiner pour rester au contact du candidat. Des ouvriers en colère hurlent, menaçants, qu'ils auront la peau des journalistes.
Hier à Lyon, aujourd'hui à Gandrange, demain à Varsovie ou à Londres, Marseille, Boulogne-sur-Mer, Trappes, Rouen, Berlin, la Guadeloupe, la Guyane, le soleil ne se couche jamais sur la campagne présidentielle.
Hollande, président ? On rêve. Les ennemis d'hier sont les alliés d'aujourd'hui. Valls monte la garde. Montebourg se prend pour César.
En face, l'adversaire brûle ses vaisseaux. A la télé, on disserte sans fin sur sa stature ou le hallal. Pendant ce temps, Mélenchon récite des pages de Victor Hugo. Ceux qui trouvent la campagne chiante en parlent pendant des heures, des jours, des mois.
Des hélicoptères tournent dans le ciel de Tulle.
Tout est normal. »L.B. -
à propos des chefs-d'oeuvre
Charles Dantzig
- Grasset
- Littérature Française
- 9 Janvier 2013
- 9782246804543
« Chef-d'oeuvre. » Quand ce très vieux mot du Moyen Âge utilisé pour l'artisanat a-t-il commencé à être appliqué à la littérature ? Y a-t-il un critère du chef-d'oeuvre littéraire ? Mieux, une recette ? Comment être sûr qu'un livre est un chef-d'oeuvre ? Un chef-d'oeuvre est-il éternel ? La postérité est-elle le bon juge ? Crée-t-on encore des chefs-d'oeuvre aujourd'hui ? Comment définir le chef-d'oeuvre ?
C'est à toutes ces questions que tente de répondre ce livre. Parcourant les grands livres, de Homère à Heine et de Boccace à Beckett, il propose une analyse inattendue de l'oeuvre de James Joyce aussi bien que des considérations sur ce que l'on peut penser des Aristochats de Walt Disney. Charles Dantzig montre encore une fois que l'on peut associer le brillant et la réflexion, la virtuosité et la profondeur, l'érudition et l'esprit. -
François le Petit ; chronique d'un règne
Patrick Rambaud
- Grasset
- Littérature Française
- 6 Janvier 2016
- 9782246860198
« Moi, Président, je demanderai à Patrick Rambaud de ne pas m'écrire de chronique du règne de François Ier... »
C'était impossible en effet : François Ier était pris, tout comme le méconnu François II, l'impossible François III. Et François IV fut roi de Modène.
Patrick Rambaud s'est donc choisi un roi de haut calibre : François le Petit.
Nicolas Sarkozy était romanesque à souhait, contourné, faux, kärcherisé, entretenant une cour volatile et dorée.
Avec sa montre en plastique et ses costumes bleu trempés, François le Petit est théâtral : en son palais de confetti, avec son casque à visière, au côté de ses femmes...
Pour sauver la France et de l'ennui et du médiocre, votez Patrick Rambaud ! -
« Je pensais qu'en vieillissant, l'ombre de ce que j'ai vécu pendant la guerre s'estomperait, que j'oublierais un peu. J'ai l'impression que c'est le contraire : soixante-dix ans après mon retour, ce passé est de plus en plus présent en moi.
J'ai perdu mon sommeil d'enfant pendant la guerre et je ne l'ai jamais retrouvé. Je fais souvent le même cauchemar : la Gestapo me pourchasse. Mais je cours tellement vite que je me réveille. »
Anise Postel-Vinay
Écrit avec la complicité de Laure Adler et Léa Veinstein, Vivre relate avec simplicité le quotidien de celle qui n'aime pas qu'on l'appelle « résistante ». Arrêtée le 15 août 1942, déportée à Ravensbrück aux côtés de Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz de Gaulle, Anise Postel-Vinay nous offre le récit d'une humanité plus forte que la barbarie.
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Brassaï, le promeneur de nuit
Serge Sanchez
- Grasset
- Littérature Française
- 13 Octobre 2010
- 9782246783473
Né en 1899 dans une ville de Hongrie aujourd'hui roumaine, photographe mais aussi peintre, dessinateur, sculpteur et écrivain, Brassaï fut un artiste éclectique et de son temps.
Etudiant en histoire de l'art à Budapest puis à Berlin, il s'installe à Paris au milieu des années 1920, apprend seul le français en lisant Proust, et passe des nuits entières à arpenter la capitale. Il photographie les rues, les gens, les bordels comme les chantiers, sublime les enseignes publicitaires et capture les lumières. Ami des plus grands artistes de son temps, Kandinsky, Kokoschka, Henry Miller ou Jacques Prévert, il fut aussi le portraitiste de Dali, Picasso, Matisse, Giacometti et Michaux. Alors que la photo peine à être reconnue comme un art, il réalise des clichés qui resteront à jamais les témoins d'une époque mythique : celle du Montparnasse des années 30, de la Bohème étourdissante. Photographe d'un Paris interlope et nocturne comme de la brillante société de la danse et de l'opéra, auteur d'une oeuvre aujourd'hui célèbre dans le monde entier, du Japon aux Etats-Unis, Brassaï est entré dans la légende en se promenant.
« La vie de Brassaï fut une quête inlassable et tenace. Du petit soldat communiste à l'exilé hongrois des brasseries de Montparnasse, puis à l'artiste mondialement reconnu, c'est Ulysse. Mais c'est aussi Protée, un flâneur, un grimpeur, un insaisissable vagabond qui fut le poète de sa propre vie. On ne vient pas à bout des légendes. C'est ce qui fait leur étrange beauté. »
Serge Sanchez -
La guerre dans les yeux
Pierre Schoendoerffer, Patrick Forestier
- Grasset
- Littérature Française
- 13 Mars 2013
- 9782246783077
« Après plus d'un an de présence en Indochine, je connaissais ce qu'on peut filmer dans la guerre. Au départ, on se dit : "Tiens, il faut filmer l'ennemi." Non, l'ennemi, il ne faut pas le filmer. Il faut filmer les gens avec qui l'on est. L'ennemi, si on le voit, il vous voit. Et il tire le premier ! »
Pierre Schoendoerffer« La guerre est un combat contre, au minimum, un ennemi. Impossible de la couvrir sans être avec les combattants d'un des camps. Au Liban, en Bosnie, au Tchad, au Nicaragua, à Gaza, en Libye, en Somalie, en Afghanistan, en Iral et j'en passe, cela a été le cas, pour moi et pour d'autres. Difficile de relater la guerre au plus près sans être avec un des protagonistes. »
Patrick Forrestier -
Dans ce livre, écrit à la première personne, Bernard-Henri Lévy a choisi, "au milieu du chemin de sa vie", de faire le point, de se pencher sur lui. Ca se passe à Tanger, en quelques heures. Là, celui qui dit "je" va attendre son vieux maître, un éminent prof de philo, qu'il n'a pas vu depuis trente ans, avec lequel il a un vague rendez-vous et qui, peut-être, ne viendra pas. En chemin, ce "je" va se souvenir, observer, délirer. Il va, dans un désordre apparent - quoique strictement composé en six mouvements - s'interroger sur l'incroyable quantité de hasards qui ont fait sa vie d'écrivain. Sur la non moins considérable quantité de malentendus qui ont tramé son destin, souvent pour le meilleur, parfois pour le pire. Au passage, on croise Romain Gary ou Guy Debord, le cinéma et la politique, l'échec et le succès, l'amour, les femmes, les idées. Ce livre - autobiographique et imaginé -, répond, au fond, à cette question : comment, en ces temps de brouillage généralisé, apparaître tel que l'on est.
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Proche parmi les proches de François Mitterrand, Roger Hanin portait en lui depuis longtemps ce livre si personnel adressé à un « ami mystérieux » dont il a connu tant de facettes. Roger Hanin est l'auteur de Les gants blancs d'Alexandre, Les sanglots de la fête, L'hôtel de la vieille lune.
« Je ne vais pas vous le dire, François - mais vous devez vous en rendre compte - la lettre que je vous écris est une lettre d'amour ... Le roman d'une amitié ébahie entre un début de voyou juif de la basse casbah et un enfant mystérieux de Saintonge [...] Ce qu'il y a de magnifique avec François Mitterrand c'est qu'il entend la note et sa résonance. Il est à la fois lui et l'autre. Mais il supporte assez rarement que l'on soit l'autre et lui. Il faut savoir jusqu'où aller trop loin dans le choc de l'ambivalence ».
R. H. -
Le « Ministre » en question, c'est, bien sûr, Dominique de Villepin - qui, dans ce livre, n'apparaît que sous le titre de sa fonction. Ce « Ministre », Bruno Le Maire l'a donc suivi, en tant que conseiller, dans une période assez particulière de notre histoire puisqu'il s'agit des quelques mois qui ont précédé l'intervention militaire des Américains en Irak - période au cours de laquelle le « Ministre » joua, on s'en souvient, une partition délicate et, dans son genre, virtuose.
Ce récit raconte ainsi, dans une langue sobre, tenue, très « littéraire », ce qui se passa vraiment au cours de cette période : contacts avec les chancelleries, malentendus avec l'administration Bush, discours onusiens, coulisses d'une avant-guerre - tels sont les temps forts de cet ouvrage où l'auteur, sans outrepasser le devoir de réserve auquel il est tenu, ressuscite un climat qui en dit long sur l'histoire-en-train-de-se-faire...
On suivra donc, pas à pas, l'incroyable partie de poker menteur qui se joue entre Paris et Washington. Comment les Américains, un bref instant, crurent que Chirac allait les « suivre ». Comment Colin Powell, Blair ou Schrder jouent finement, puis maladroitement. Il n'y a pas, à proprement parler, de révélations. Mais les acteurs sont là, en situation, et c'est passionnant - d'autant que la subjectivité romanesque de l'auteur, grand lecteur de Faulkner et Kafka, donne à ce texte une tonalité très personnelle et particulièrement vivante.
Une longue postface, enfin, écrite un an après ces « événéments » dresse le bilan diplomatique et humain d'une aventure où la France n'avait, semble-t-il, pas tort d'être prudente. -
"Ce récit est un document.
Par petites touches accumulant les choses vues, les petits faits vrais, mêlant l'analyse à l'autobiographie, il relate avec l'objectivité d'un témoin ce que furent "les événements de 68".
Etait-ce une farce ? Peut-être. En tout cas, cette farce aura duré quinze ans. Mais, bien qu'on l'ait eue longtemps sous les yeux, on y avait si peu cru qu'on ne l'avait pas vue.
Sans doute ce récit fait-il comprendre comment a pu se produire en quelques mois l'éffondrement de l'Université.
Mais il montre bien davantage combien cette agitation n'était que le symptôme tardif d'une crise bien plus ample et profonde dont on avait entendu les premières craquements dès 1924.
Une civilisation finissait, alors qu'une autre avait déjà commencé. On ne se rappelle déjà presque plus la première. Nous vivons dans la seconde.
Il en est de la civilisation comme de la géologie. Il y a des plaques tectoniques. D'où venait le vacarme de 68, on ne le comprenait pas. C'était le bruit que faisait une plaque au moment où elle allait en recouvrir une autre."N. G. -
« A vrai dire je me sentais une dette vis-à-vis de Pierre Overney, une dette que Maos, mon précédent roman, ne me semble pas avoir comblée. J'ai songé qu'il eût été dommage de ne pas tirer un récit des milliers de documents que j'ai lus, de la soixantaine d'interviews que j'ai faites pour aboutir au roman Maos. Mais d'abord qui est Pierre Overney ? « Qui se souvient de lui aujourd'hui ? » me disait un de ses frères non sans amertume. Les nouvelles générations auront du mal à croire que, dans les années 70, plus de 200 000 personnes ont défilé à Paris derrière le cercueil de cet inconnu : Lionel Jospin, Simone Signoret, Jean-Luc Godard, André Glucksmann et j'en passe... Pierre Overney était un ouvrier maoïste de 24 ans que ses petits chefs de la Gauche prolétarienne ont envoyé en commando pour casser la gueule aux gardiens « fascistes » de l'usine Renault, à Boulogne-Billancourt. Un membre du service d'ordre, Jean-Antoine Tramoni, a sorti son arme : Overney-le-mao est mort d'une balle en plein coeur. C'était le 25 février 1972. Ironie de l'Histoire, au même moment, en Chine, le président des Etats-Unis, Richard Nixon, se congratulait avec... Mao. Simultanément, dans nombre de pays d'Europe, dont la France, des groupements gauchistes s'en prenaient avec violence moins au capitalisme qu'au parti communiste, à qui ils reprochaient de ne pas « faire la révolution ». La montée du terrorisme des années 70 a-t-elle été manipulée ? Pierre Overney, dans la naïveté de ses vingt ans, est-il mort à la confluence de jeux politiques et policiers souterrains qu'il était bien incapable de soupçonner ? Lors de l'enterrement d'Overney, le philosophe communiste Louis Althusser aurait dit : c'est le gauchisme qu'on enterre. On peut se demander maintenant si, ce jour là, ça n'est pas tout simplement la Gauche qui est morte. » Morgan Sportès
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Il y a une centaine d'années, l'Ethiopie n'était guère pour l'Europe qu'une expression géographique, et seuls quelques religieux érudits, quelques poètes, rattachaient cette entité à un passé millénaire où se confondaient la fable et l'histoire. Le percement de l'isthme de Suez devait modifier radicalement les faits et faire de ce pays de l'est africain l'un des axes de la grand politique coloniale européenne. Mais l'on constata que l'Ethiopie, tenue à l'écart de la civilisation occidentale par ses déserts et ses montagnes, était restait inchangée, dans ses institutions et ses moeurs, depuis les temps bibliques, et qu'une espèce de miracle avait immobilisé, quatre mille ans durant et jusqu'à nos jours, un ensemble de petits royaumes à bases religieuses et féodales.
Dans un cahpitre liminaire d'un puissant raccourci, Henry de Monfreid résume l'histoire de ce qu'on peut appeler un anachronisme politique, avant de brosser le portrait et la chronique de celui qui fut le créateur de l'Ethiopie actuelle : Ménélik II, roi du Choa, puis empereur de 1889 à 1913. Et c'est sans exagération aucune qu'il le dénomme le Louis XI africain.
Car ce fut un étonnant rassembleur de territoires que ce potentat oriental, et les moyens qu'il employa pour parvenir au trône rappellent étrangement ceux de l'homme de Péronne et du Plessis-lez-Tours - l'un de nos plus grands rois. Guerrier et diplomate, il sut non seulement se défendre des intrigues des "grandes puissances", mais en jouer et les utiliser contre les autres prétendants à la couronne et contre son prédécesseur même, l'empereur Théodoros. Ruses, trahisons, équivoques, achats de consciences, machinations, toutes les ficelles, tout l'arsenal retors de la rouerie et de la subtitilité politiques lui servirent pour parvenir à son but, avant d'en venir à l'emploi de la violence. Et certains épisodes de cette geste épique, riche en embûches et en retournements de fortune, ne sont pas sans rappeler les pages les plus colorées et les plus cruelles de l'histoire byzantine.
Nul mieux qu'Henry de Monfreid n'était qualifié pour évoquer Ménélmik et son pays. Il a vécu près d'un demi-siècle en Ethiopie, et ses livres témoignent de l'acuité, de la netteté de son observation de la vie éthiopienne comme de l'amour qui lui porte. Il a approché beaucoup de compagnons de l'empereur, de ceux qui partagèrent ses luttes, et a obtenu d'eux quantité de souvenirs, de renseignements, d'anecdotes. Et peut-être est-il aujourd'hui l'un des derniers hommes ayant connu Ménélik II, le Louis XI éthiopien.(1954) -
Ce « futur armistice » est le texte de l'allocution prononcée par Jean Giraudoux, alors Commissaire général à l'Information, le 11 novembre 1939.
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Un essai de François Mauriac, auteur du Noeud de vipères et de Thérèse Desqueyroux, sur la vie de Racine.
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Blaise Pascal et sa soeur Jacqueline
François Mauriac
- Grasset
- Littérature Française
- 1 Janvier 1934
- 9782246774099
« Gilbert Périer, parlant de sa soeur Jacqueline et de son frère Blaise Pascal, nous dit: «Leurs coeurs n'étaient qu'un coeur.... » Elle nous dit aussi que Jacqueline était la personne que Blaise aimait le plus au monde. Nous pouvons ajouter : la seule créature qu'il ait aimée jusqu'à la fin, la seule, peut-être, qui l'ait fait souffrir.
Dans l'amour fraternel, comme dans tout autre amour, l'un blesse et l'autre est blessé. Chez les Guérin, Eugénie est la victime de Maurice. Chez les Pascal, c'est Blaise qui subira l'inflexibilité de cette petite janséniste. Mais elle n'a souffert pour lui que lorsqu'il était dans les désordres du monde. Elle n'était pas atteinte dans sa tendresse et ne songeait qu'à le sauver. » -
La totalité des auteurs qui ont étudié le rêve humain (depuis Maine de Biran jusqu'à Havelock Ellis, en passant par Maury et par Freud) ont eu l'air de le considérer comme un attribut du sommeil, ou, tout au moins, comme un phénomène se produisant à l'occasion du sommeil. Ce parti-pris initial, emprunté à un passage fameux de Lucrèce, a faussé, à notre avis, toute la psychologie du songe, mêlé à notre vie courante, même éveillée, d'une façon beaucoup plus constante et complète que ne le supposaient et ne le supposent maintenant encore les onirologues.