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Grasset
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« J'écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf, aussi bien que pour les hommes qui n'ont pas envie d'être protecteurs, ceux qui voudraient l'être mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés. Parce que l'idéal de la femme blanche séduisante qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, je crois bien qu'il n'existe pas. » V.D.
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Comment ça va pas ? - Conversations après le 7 octobre
Delphine Horvilleur
- Grasset
- essai français
- 21 Février 2024
- 9782246838470
Fracassée comme tant d'autres après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, l'auteur voit son monde s'effondrer. Elle dont la mission consiste à porter la souffrance des autres sur ses épaules et à la soulager par ses mots, se trouve soudain en état de sidération, impuissante et aphasique.
Dans la fièvre, elle écrit alors ce petit traité de survie, comme une tranche d'auto-analyse qui la fait revenir sur ses fondements existentiels.
Le texte est composé de dix conversations réelles ou imaginaires : conversation avec ma douleur, conversation avec mes grands-parents, conversation avec la paranoïa juive, conversation avec Claude François, conversation avec les antiracistes, conversation avec Rose, conversation avec mes enfants, conversation avec ceux qui me font du bien, conversation avec Israël, conversation avec le Messie.
Ce livre entre en résonnance avec Vivre avec nos morts (puisqu'il s'agit ici, a contrario, de l'angoisse de mourir avec les vivants), avec Réflexions sur la question antisémite (puisque c'est le pendant personnel, intime et douloureux à l'essai plus intellectuel et réflexif) et à Il n'y a pas de Ajar (puisque la musique, le ton, la manière des dialogues oraux font écho à ceux du monologue théâtral).
Comme toujours avec l'auteur, le va et vient entre l'intime et l'universel, entre l'exégèse des textes sacrés et l'analyse de la société actuelle, entre la gravité du propos et l'humour comme politesse du désespoir, parvient à transformer le déchirement en réparation, l'inconfort en force, l'inquiétude en réassurance et le doute en savoir. -
Le Vertige MeToo : Trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle
Caroline Fourest
- Grasset
- essai français
- 11 Septembre 2024
- 9782246825678
« Nous vivons une nouvelle révolution sexuelle. Après la libération, voici venu le temps du respect. Sept ans après MeToo, pas jour sans que l'arène publique ne soit secouée par des révélations qui rencontrent enfin l'écoute. Revers de la médaille, des hommes et quelques femmes sont mis dans le même sac MeToo pour des accusations très différentes, allant de graves agressions sexuelles à des malentendus sexistes. Il y a ceux qu'on soupçonne d'avoir employé la force ou exercé leur emprise, et parfois de simples éconduits, à qui l'on reproche une maladresse isolée. Il y a les prédateurs que plusieurs dénoncent, et ceux qu'une seule femme accuse. Il y a les relaxés faute de preuves, et les blanchis qui vivent toujours à l'ombre du doute... Dans cette liste, beaucoup de coupables, enfin exposés, et quelques innocents, brûlés vifs sur le bûcher médiatique. La honte a changé de camp, mais la meute aussi. Et sa guillotine est à géométrie variable, selon qui accuse et la notoriété de l'accusé.
Comment reconnaître le faux MeToo du vrai ? Faut-il se fier uniquement à la presse ou attendre la justice ? Croire l'accusation sur parole ou respecter la présomption d'innocence ? Bannir à vie ou préférer une riposte graduée ? Ce livre a pour but de retrouver un équilibre, féministe et juste, après le vertige. »
C. F.
Du Mouvement de libération des femmes à l'après MeToo, de l'affaire Weinstein aux mille autres secouant le cinéma et les médias, jusqu'à son intime expérience, Caroline Fourest dissèque les ombres et lumières d'un séisme qui a changé nos vies. Un éclairage indispensable pour ne pas transformer une révolution en terreur, et garder le cap : celui de la lutte contre les abus de pouvoir. Cinquante nuances en zone grise. Pour sauver MeToo de ses excès -
Une vie heureuse
Ginette Kolinka, Marion Ruggieri
- Grasset
- essai français
- 25 Janvier 2023
- 9782246832393
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! » -
Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime. -
« En ce début des années 1990 : le diable grimé en général était toujours présent. Il me semblait qu'en le rencontrant, je pourrais comprendre ce qui le différenciait du reste du genre humain. Constater ce qui lui manquait, ou ce qui avait provoqué un changement de nature. Peut-être me rassurer à bon compte face à l'évidence de l'altérité. Et témoigner. »
Fils d'un père bolivien réfugié en France, Bruno Patino grandit entouré d'images de figures révolutionnaires devenues icônes. Il fantasme et s'interroge sur les hommes derrière les représentations. Parmi ces images, celle du dictateur chilien aux lunettes noires, Augusto Pinochet, incarne pour lui le mal.
En 1992, à 26 ans, l'auteur devient correspondant du Monde au Chili. Pinochet a quitté la présidence mais reste le commandant en chef de l'armée de terre et limite drastiquement ses échanges avec la presse. Il est, sur le continent, l'un des derniers à avoir fait régner l'ordre par le sang avant que les armes ne soient troquées par les écrans et la surveillance. Bruno Patino, cherche, déjà, à percer l'énigme du pouvoir : mû par une étrange obsession, il veut, par tous les moyens, rencontrer le général pour l'interroger.
Ce rare face-à-face est raconté dans ces pages, cinquante ans après la prise de pouvoir de Pinochet par un coup d'Etat, le 11 septembre 1973.
Après ses grands essais sur notre condition numérique, Bruno Patino nous emmène sur un terrain mouvant et passionnant : les combats de sa jeunesse et l'ambiguïté folle d'approcher un monstre. Un conte cruel où un jeune journaliste va pourtant finir par rire avec le diable. -
« C'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de réfléchir, d'analyser et parfois de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d'être ce que nous voulons. C'est à nous, et à personne d'autre, qu'il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
A nous de rire, de dessiner, d'aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration - en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon, des militants aveuglés, et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXème siècle, de Staline à Pol Pot. »
Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès historique, procès intellectuel, au cours duquel l'auteur retrace, avec puissance et talent, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur. Evoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre. Oui, la liberté d'expression est un combat, chaque jour vivifié par des gestes, des paroles, des échanges.
Face à la mort, la littérature nous tient : ce texte, bien plus qu'une plaidoirie, est un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée. -
" Depuis que j'ai quitté le Liban pour m'installer en France, que de fois m'a-t-on demandé, avec les meilleures intentions du monde, si je me sentais " plutôt français " ou " plutôt libanais ". Je réponds invariablement : " L'un et l'autre ! " Non par quelque souci d'équilibre ou d'équité, mais parce qu' en répondant différemment, je mentirais. Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est cela mon identité ? "
Partant d'une question anodine qu'on lui a souvent posée, Amin Maalouf s'interroge sur la notion d'identité, sur les passions qu'elle suscite, sur ses dérives meurtrières. Pourquoi est-il si difficile d'assumer en toute liberté ses diverses appartenances ? Pourquoi faut-il, en cette fin de siècle, que l'affirmation de soi s'accompagne si souvent de la négation d'autrui ? Nos sociétés seront-elles indéfiniment soumises aux tensions, aux déchaînements de violence, pour la seule raison que les êtres qui s'y côtoient n'ont pas tous la même religion, la même couleur de peau, la même culture d'origine ? Y aurait-il une loi de la nature ou une loi de l'Histoire qui condamne les hommes à s'entretuer au nom de leur identité ?
C'est parce qu'il refuse cette fatalité que l'auteur a choisi d'écrire les Identités meurtrières, un livre de sagesse et de lucidité, d'inquiétude mais aussi d'espoir.
Amin Maalouf a publié les Croisades vues par les Arabes, ainsi que six romans : Léon l'Africain, Samarcande, les jardins de lumière, le Premier siècle après Béatrice, le Rocher de Tanios et les Echelles du Levant. -
La civilisation du poisson rouge ; petit traité sur le marché de l'attention
Bruno Patino
- Grasset
- essai français
- 10 Avril 2019
- 9782246819301
« Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d'attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le temps maximum d'exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d'Internet au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D'après cette étude, mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d'une dépendance aux signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le chemin de l'addiction : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l'utopie numérique, dont je fais partie, le temps des regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, « l'inventeur » du web, qui essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création première. L'utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous acide.
La servitude numérique est le modèle qu'ont construit les nouveaux empires, sans l'avoir prévu, mais avec une détermination implacable. Au coeur du réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la mutation d'un nouveau capitaliste : l'économie de l'attention. Il s'agit d'augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l'espace, il s'agit d'étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L'accélération générale a remplacé l'habitude par l'attention, et la satisfaction par l'addiction. Et les algorithmes sont aujourd'hui les machines-outils de cette économie...
Cette économie de l'attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport aux médias, à l'espace public, au savoir, à la vérité, à l'information, rien n'échappe à l'économie de l'attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s'éteignent au profit des signaux numériques. Le marché de l'attention, c'est la société de la fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l'idéal humain... »B.P. -
Petit traité du racisme en Amérique
Dany Laferriere
- Grasset
- essai français
- 4 Janvier 2023
- 9782246830504
Dans ce livre, le premier qu'il consacre au racisme, Dany Laferrière se concentre sur ce qui est peut-être le plus important racisme du monde occidental, celui qui dévore les Etats-Unis. Les Noirs américains : 43 millions sur 332 millions d'habitants au total - plus que la population entière du Canada. 43 millions qui descendent tous de gens exploités et souvent martyrisés. 43 millions qui subissent encore souvent le racisme. Loin d'organiser une opposition manichéenne entre le noir et le blanc, précisément, Dany Laferrière précise : « On doit comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n'est qu'avec les nuances qu'on peut avancer sur un terrain si miné. »
Voici donc un livre de réflexion et de tact, un livre littéraire. Mêlant des formes brèves que l'on pourrait rapprocher des haïkus, où il aborde en général les sensations que les Noirs éprouvent, et de brefs essais où il étudie des questions plus générales, Dany Laferrière trace un chemin grave, sans jamais être démonstratif, dans la violence semble-t-il inextinguible du racisme américain. « Mépris », « Rage », « Ku Klux Klan » alternent avec des portraits des grands anciens, Noirs ou Blancs, qui ont agi en noir ou en blanc : Charles Lynch, l'inventeur du lynchage, mais aussi Eleanor Roosevelt ; et Frederick Douglass, et Harriet Beecher Stowe, l'auteur de La Case de l'oncle Tom, et Bessie Smith, à qui le livre est dédié, et Angela Davis. Ce Petit traité du racisme en Amérique s'achève sur une note d'espoir, celui que Dany Laferrière confie aux femmes. « Toni, Maya, Billie, Nina, allez les filles, le monde est à vous ! » -
Il faut prêter attention aux analyses d'Amin Maalouf : ses intuitions se révèlent des prédictions, tant il semble avoir la prescience des grands sujets avant qu'ils n'affleurent à la conscience universelle. Il s'inquiétait il y a vingt ans de la montée des Identités meurtrières ; il y a dix ans du Dérèglement du monde. Il est aujourd'hui convaincu que nous arrivons au seuil d'un naufrage global, qui affecte toutes les aires de civilisation.
L'Amérique, bien qu'elle demeure l'unique superpuissance, est en train de perdre toute crédibilité morale. L'Europe, qui offrait à ses peuples comme au reste de l'humanité le projet le plus ambitieux et le plus réconfortant de notre époque, est en train de se disloquer. Le monde arabo-musulman est enfoncé dans une crise profonde qui plonge ses populations dans le désespoir, et qui a des répercussions calamiteuses sur l'ensemble de la planète. De grandes nations « émergentes » ou « renaissantes », telles la Chine, l'Inde ou la Russie, font irruption sur la scène mondiale dans une atmosphère délétère où règne le chacun-pour-soi et la loi du plus fort. Une nouvelle course aux armements paraît inéluctable. Sans compter les graves menaces (climat, environnement, santé) qui pèsent sur la planète et auxquelles on ne pourrait faire face que par une solidarité globale qui nous fait précisément défaut.
Depuis plus d'un demi-siècle, l'auteur observe le monde, et le parcourt. Il était à Saigon à la fin de la guerre du Vietnam, à Téhéran lors de l'avènement de la République islamique. Dans ce livre puissant et ample, il fait oeuvre à la fois de spectateur engagé et de penseur, mêlant récits et réflexions, racontant parfois des événements majeurs dont il s'est trouvé être l'un des rares témoins oculaires, puis s'élevant en historien au-dessus de sa propre expérience afin de nous expliquer par quelles dérives successives l'humanité est passée pour se retrouver ainsi au seuil du naufrage. -
Au terme de près de cinquante ouvrages et de cinquante ans de participation à la vie publique, Alain Minc nous offre ici un « arrêt sur images ». Ce ne sont pas à proprement parler des Mémoires mais un bilan d'étape qui se déplie et se déploie, comme un éventail, en quatre volets : figures, moments, legs et ratés.
« Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants » disait Cocteau. Aussi ce livre commence-t-il par les portraits de personnages, aujourd'hui décédés, dont l'auteur a été très proche et qui ont joué un rôle cardinal dans sa vie. C'est un mélange inattendu d'affinités électives où Jorge Semprun côtoie Bernard Tapie, François Furet, Yves Montand... et où souvenirs personnels et descriptions psychologiques se donnent la main.
Ensuite viennent les moments importants pour lesquels il retrace ses réactions analysées à travers le regard d'aujourd'hui : du « monôme » de 1968 au 7 octobre 2023, de l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie à la chute du mur de Berlin.
Puis les idées ou concepts qu'il a lancés et sont devenus des lieux communs dans les débats d'aujourd'hui - comme par exemple « l'équité versus l'égalité », « la mondialisation heureuse » ou le « cercle de la raison » - sur lesquels il s'interroge avec le recul du temps.
Et enfin ses « ratés », les sujets qu'il estime avoir ignorés ou maltraités, réfléchissant rétrospectivement aux raisons de ses faux pas.
Sur chacun de ces thèmes affleure un mélange d'humour et de distance, de profondeur et de légèreté. -
Lettres à la petite fille qui vient de naître
Patrice Franceschi
- Grasset
- essai français
- 2 Octobre 2024
- 9782246839743
« Ma chère enfant, tu as à peine quelques mois d'existence, l'avenir est tout entier devant toi, mais depuis le jour de ta naissance je m'interroge sur le destin que te réservera le monde dans lequel tu viens de prendre place, et sur la manière dont je pourrais agir pour rendre ce destin le meilleur possible. Cette préoccupation va de soi puisque je suis ton parrain par la grâce de ta mère. Sache que je prends mon rôle très à coeur - comme je le fais pour mes propres enfants. Tout au long des années à venir, je vais t'accompagner dans ta marche en avant, de tes premiers pas jusqu'à mon dernier souffle. Qu'il plaise aux dieux que ce chemin soit long ! »
Ainsi s'adresse Patrice Franceschi à sa très jeune filleule, et à sa mère aussi : première lettre d'une suite de vingt-quatre, destinée à la « petite fille qui vient de naître » pour l'aider à affronter le monde qui l'attend, traversé de violence, de lâcheté, de doutes, travaillé par les dissensions et la colère. Des lettres pleines d'espoir et de solutions pour un regard d'enfant en quête de rire, de paix et d'échange. A la petite fille qui lira ces pages, bien plus tard, comme un parcours initiatique vers le bonheur, Franceschi ne cache rien. Il se livre, aventurier, ami des peuples libres, lecteur des philosophes, écrivain passionné. Il raconte. S'inquiète. Et propose une façon d'être : profondément libre, engagé moralement; jamais indifférent; avec, au coeur, la vérité, la beauté, l'appel du risque et de la sagesse.
Mêlant choses vues, lectures, pensées, avec tendresse et à hauteur d'enfant, Patrice Franceschi nous livre le plus beau des cadeaux : cent pages pour aimer la vie intensément. -
Réflexions sur la question antisémite
Delphine Horvilleur
- Grasset
- essai français
- 9 Janvier 2019
- 9782246815532
Sartre avait montré dans Réflexions sur la question juive comment le juif est défini en creux par le regard de l'antisémite. Delphine Horvilleur choisit ici de retourner la focale en explorant l'antisémitisme tel qu'il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives.
Dans tout ce corpus dont elle fait l'exégèse, elle analyse la conscience particulière qu'ont les juifs de ce qui habite la psyché antisémite à travers le temps, et de ce dont elle « charge » le juif, l'accusant tour à tour d'empêcher le monde de faire « tout » ; de confisquer quelque chose au groupe, à la nation ou à l'individu (procès de l'« élection ») ; d'incarner la faille identitaire ; de manquer de virilité et d'incarner le féminin, le manque, le « trou », la béance qui menace l'intégrité de la communauté.
Cette littérature rabbinique que l'auteur décortique ici est d'autant plus pertinente dans notre période de repli identitaire que les motifs récurrents de l'antisémitisme sont revitalisés dans les discours de l'extrême droite et de l'extrême gauche (notamment l'argument de l'« exception juive » et l'obsession du complot juif).
Mais elle offre aussi et surtout des outils de résilience pour échapper à la tentation victimaire : la tradition rabbinique ne se soucie pas tant de venir à bout de la haine des juifs (peine perdue...) que de donner des armes pour s'en prémunir.
Elle apporte ainsi, à qui sait la lire, une voie de sortie à la compétition victimaire qui caractérise nos temps de haine et de rejet.
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La vie spectrale : penser l'ère du métavers et des IA génératives
Eric Sadin
- Grasset
- essai français
- 18 Octobre 2023
- 9782246831365
Le métavers n'est pas une fantasmagorie, c'est une réalité qui déjà nous environne autant qu'un puissant mouvement, celui de la pixellisation croissante de nos existences. Travail, enseignement, médecine, achats, loisirs et interactions ont lieu en ligne - et derrière nos écrans. Un seuil a été franchi avec l'apparition de l'intelligence artificielle générative dont le rôle n'est plus de gérer nos tâches mais de produire du langage, des images, du son... Nos facultés fondamentales sont en passe d'être déléguées à des machines. Bientôt, c'est la voix de ces robots qui nous guidera dans nos cavernes de pixels, à chaque étape de nos vies vouées à être sans trêve analysées, marchandisées, désincarnées.
Face à cette rupture sans précédent, une philosophie s'impose pour comprendre et agir. Mises en perspectives historiques, analyses des systèmes technologiques, décryptages des intérêts économiques et des conséquences civilisationnelles, La vie spectrale est autant une phénoménologie contemporaine que la pensée du monde qui vient. Un essai magistral et capital. -
Je souffre donc je suis : Portrait de la victime en héros
Pascal Bruckner
- Grasset
- essai français
- 13 Mars 2024
- 9782246838012
A l'humanité conquérante de la modernité succède aujourd'hui une humanité victimaire. La promesse des Lumières et de la Révolution, un monde meilleur débarrassé du fatalisme et du fanatisme, accouche d'une société du sanglot.
Le souci des humiliés, telle est la grandeur de la civilisation. La victimisation comme chantage sur autrui et pathologie de la reconnaissance, tel est l'envers de ce progrès.
La souffrance est devenue paradoxalement, dans l'Occident hédoniste, un nouveau sacré qui méduse. Chacun, riche ou pauvre, homme ou femme, brandit son brevet de malédiction, qui l'élève au-dessus de ses semblables. Ce dolorisme mâtiné d'aigreur valorise la figure du martyr et alimente ces deux grandes passions que sont le ressentiment et la vengeance. Les heureux et les puissants veulent eux aussi appartenir à l'aristocratie de la marge et former de nouvelles castes de déchus, au détriment des vrais malheureux. Partout fleurit la posture du paria, le narcissisme de la sécession et la concurrence victimaire.
Cajolées, élevées dans la peur et la susceptibilité, les jeunes générations seront-elles capables d'affronter le monde chaotique qui est le nôtre, marqué par le retour de la guerre, l'hyper violence, le terrorisme islamiste et les catastrophes naturelles ?
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« Nous avons perdu la nuit. Les écrans sont arrivés, et avec eux la connexion permanente. Voici venu le temps de l'aube perpétuelle. De la lueur bleutée qui jamais ne s'éteint, du rayonnement qui jamais ne s'apaise. Eveillés, hagards, hébétés, nous sommes irrémédiablement attirés par leur lumière. Finies les insomnies, place à l'a-somnie et aux veilleurs sentinelles, à ceux pour qui la nuit n'est plus qu'une séquence hypnotique entre mauvais sommeil et connexion décevante. Je suis l'un d'entre eux. »
Ainsi se livre Bruno Patino dans ces pages prophétiques. Le poisson rouge n'est plus, englouti dans le déluge de signes, textes, images, sons.
Nous habitons le réseau dans l'illusion de la toute-puissance. Nous pensons avoir accès à un choix illimité : musique, films, séries télévisées, livres, actualités et rencontres. Mais le calcul est notre maître ; la fatigue, l'abandon, la fuite et la perte du collectif notre quotidien. L'attente a disparu, et avec elle le manque, et avec lui le désir et le rêve. Nous voici submergés, privés de liberté, réduits à nos données : une vie numérique.
Tout a-t-il été écrit ? Une apocalypse programmée par les créateurs - scénaristes, chercheurs et entrepreneurs ? Si la fin des temps est le produit de notre imaginaire, peut-être pouvons-nous encore en changer le cours.
Un essai brillant et personnel, placé à point nommé dans le torrent numérique. Une Société du spectacle où se dessine une issue. -
Au XIX siècle, lorsque l'homosexualité est inventée comme crime et maladie mentale en Europe, l'écrivain Karl Heinrich Ulrich est le premier à se déclarer « uraniste » et à affirmer les droits de « ceux qui aiment différemment ». Après lui, Preciado refuse le protocole médico-légal de changement de sexe et entreprend un projet de transformation de son corps et de sa subjectivité via l'auto-administration de testostérone. Il relate cette traversée, ce devenir « homme-trans », au fil de chroniques dans Libération entamées comme Beatriz et poursuivies une fois devenu Paul.
Il y développe une philosophie politique dépassant les questions de sexualité et évoque des questions politico-sociales comme le devenir néo-fasciste en Europe, la crise grecque, les luttes zapatistes au Mexique, le conflit en Catalogne.
Car la dualité sexuelle et son l'épistémologie binaire sont le cadre général de nos sociétés « technopatriarcales et hétérocentrées ». La masculinité s'y définit par le droit des hommes à donner la mort et la féminité par l'obligation des femmes à donner la vie. L'hétérosexualité est à la fois une politique du désir et un régime de gouvernement imposant un système de violence et de domination. Face à ce régime, la culture queer et trans est celle du l'expérimentation du genre et de la non-naturalisation des positions de pouvoir. Les corps sont équivalents, le pouvoir est redistribué.
En devenant Paul, Preciado, « dissident du système genre-genre », met en pratique la révolution sexuelle et politique qu'il appelle de ses voeux. Il propose ainsi une cartographie de technologies du pouvoir aussi bien qu'une guide des nouvelles stratégies de résistance à la norme. -
Comment peut-on, adolescent, faire la démonstration d'un talent inouï au point de devenir une sorte de bête de foire dans les milieux littéraires parisiens, et à vingt ans, renoncer brutalement à la poésie pour partir vendre du café et des casseroles en Afrique ? C'est ce qu'on a l'habitude d'appeler le mystère Rimbaud. Cette répudiation lui a valu anathème (André Breton) et incompréhension (Etiemble), certains comme René Char se montrant plus compatissants (« tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud »). Mais aucun ne s'est demandé si ce n'était pas plutôt la poésie qui l'avait lâché, inapte désormais à rendre compte de la modernité qui, sous la bannière du progrès, rendait obsolète le vieux monde de l'alexandrin et du sonnet.
Or le jeune Rimbaud fut en première ligne dans ce changement à vue. Il fut hébergé par Charles Cros, poète et inventeur du phonographe, fréquenta Paul Demeny dont le frère Georges est un des pionniers du cinéma, usa abondamment des trains et des vapeurs, posa pour Carjat, le photographe des « people », assista à la construction du premier métro du monde, celui de Londres, et il connaissait au moins par Castaner les discussions enflammées du café Guerbois où Monet, Manet, Cézanne, procédait au dynamitage de l'académisme.
« Il faut être absolument moderne », lâche-t-il dans Une saison en enfer, établissant bien moins sa feuille de route que reprenant un mantra du temps. Et la poésie dans tout ça ? « Ne va-t-il pas être bientôt temps de supprimer l'alexandrin ? » glissa-t-il à Banville, alors grand maitre du Parnasse. Il s'en chargea dans Une Saison en enfer et dans les Illuminations.
Pour nous aider à percer le mystère, restent heureusement les témoins. Et dans cette constellation, les étoiles de première grandeur : Ernest Delahaye, l'ami du collège, Georges Izambard, le professeur à peine plus âgé que son élève, Isabelle qui accompagna avec un dévouement amoureux l'agonie de son frère, et Alfred Bardey qu'on ne peut soupçonner d'avoir été influencé par un passé dont il ignorait tout quand il engagea à Aden pour surveiller ses entrepôts de café un jeune Français trainant dans les ports de la Mer Rouge. Mais tous s'entendent pour confirmer la prophétie du vieux professeur du collège de Charleville que fixait derrière son pupitre le regard pervenche : « Rien de banal ne germera dans cette tête. »
Jean Rouaud -
L'homme augmenté : Futurs de nos cerveaux
Raphaël Gaillard
- Grasset
- essai français
- 10 Janvier 2024
- 9782246835189
Hier, l'intelligence artificielle était un fantasme de science-fiction. La voilà sur le point de nous remplacer dans bien des fonctions. Faut-il anticiper un affrontement entre la machine et l'homo sapiens ?
Avec une hauteur de vue inédite sur une question brûlante, le psychiatre et chercheur en neurosciences Raphaël Gaillard montre que cette nouvelle intelligence, née en imitant notre cerveau, a toutes les raisons de s'hybrider avec notre propre intelligence. Le défi ne sera pas de rivaliser avec l'IA mais de réussir cette hybridation. D'ores et déjà, les interfaces cerveau-machine permettent à un homme paralysé de marcher ou de transmettre ses pensées. Demain nous utiliserons l'IA comme nous utilisons nos smartphones, partout et tout le temps, comme un appendice de nous-même, voire en l'incorporant. Faut-il en avoir peur ? Comment nous préparer à cette nouvelle ère ?
Nous avons déjà connu une grande hybridation avec l'avènement de l'écriture et de la lecture, signant notre passage de la Préhistoire à l'Histoire. Déposer hors de soi notre savoir par l'écriture, et se le réapproprier par la lecture, n'était pas si différent de ce que la technologie nous promet. Puisque cette aventure fut une réussite pour l'humanité, nous ferions bien de nous en inspirer. -
Sur le pouce : Un petit doigt pour la main, un pas de géant pour l'humanité
Mathieu Vidard
- Grasset
- essai français
- 3 Avril 2024
- 9782246830528
En dépit de sa petite taille, le pouce occupe une place centrale dans notre vie. Héros discret, il est un outil essentiel dans la réalisation de nombreuses prouesses techniques et un marqueur de l'évolution de l'humanité. Bien plus qu'un simple doigt, il symbolise l'histoire de notre espèce.
Ce petit élément de notre anatomie a joué un rôle crucial. Sa capacité à s'opposer aux autres doigts a été fondamentale pour notre habileté manuelle, transformant des primates arboricoles en fabricants d'outils. On avait compris son importance dès les grottes préhistoriques, où il est représenté - par des mains comprenant un pouce. Grâce à lui, nous pouvons non seulement manipuler des objets, mais les représenter, en un mot : communiquer et créer.
Il est le rassurant compagnon des bébés. On le retrouve dans de nombreuses expressions du langage courant. Au-delà de cette présence familière, il reste un sujet de recherche pour les scientifiques. Ils montrent que, bien qu'il ne soit pas le propre de l'être humain, son degré de sophistication a permis à notre espèce d'occuper une place à part dans le règne animal.
Dans ce livre à la fois personnel, vivant, et impeccable d'un point de vue scientifique, Mathieu Vidard fait d'un petit sujet une grande aventure. -
Que s'est-il passé le 7 octobre 2023 ?
Un choc dans l'âme juive ? un pogrom sans précédent depuis la Shoah ? un ébranlement de la conscience universelle ? une étape dans la guerre mondiale menée contre les démocraties ?
Quel lien avec l'invasion de l'Ukraine ?
Quel sens donner à l'alliance, autour des terroristes du Hamas, de l'Iran, de la Turquie, de la Russie impérialiste, de la Chine, de l'islamisme sunnite ?
La riposte de Tsahal fut-elle « proportionnée »?
Que voulait dire Emmanuel Levinas quand il parlait de l'« exception juive » ? Et Romain Gary et Albert Cohen quand ils annonçaient à l'auteur le retour de « la plus vieille des haines » ?
La solitude d'Israël est-elle irrémédiable ?
Telles sont quelques-unes des questions posées dans cet essai de colère et de combat que nourrit un demi-siècle d'amour pour l'Etat des Juifs et de méditation sur son destin. -
« L' "autre" langue des femmes, c'est la parole qui émerge lorsqu'elles se définissent pour ce qu'elles sont, pas en fonction de ce qui leur est infligé.
Ce langage fut toujours parlé en Afrique, continent qui enfanta des dynasties de "grandes royales", contredisant ainsi la posture victimaire d'un certain activisme occidental.
S'appuyant sur l'histoire, les mythes, spiritualités et pratiques sociales des Subsahariennes, l'auteur nous initie à un riche matrimoine qui révèle la variété des potentialités féminines.
Les femmes impressionnantes dont elle nous conte les aventures régnèrent sur des sociétés patriarcales, donnèrent une terre à leur peuple en exil, firent du plaisir sexuel un droit, s'engagèrent dans les luttes anticoloniales qu'elles financèrent souvent grâce à leur fortune personnelle, furent conscientes de leur valeur en tant qu'individus souverains.
Pourtant, la riche expérience des Africaines subsahariennes reste méconnue. Sans s'identifier à ces femmes ni voir en elles des références, on entend leur prescrire un modèle d'émancipation.
La "sororité" reste une vue de l'esprit, compte tenu des rapports de domination existant entre femmes. L'histoire a doté les unes d'un pouvoir symbolique, politique et économique dont les autres ne jouissent pas. Cette dissymétrie fondamentale est occultée par la centralité conférée à la question de l'hégémonie masculine, censée définir et fédérer les femmes.
Des rapports entre elles, reproduisant l'association de la cavalière et de la jument, permettent-ils de faire cause commune ? »L.M. -
Requiem pour « la Coloniale » : Afrique : conquête et retraite de l'armée française
Stephen Smith, Jean De La Gueriviere
- Grasset
- essai français
- 23 Octobre 2024
- 9782246840640
Une époque s'achève. L'armée de la France n'est plus « la Coloniale », ce corps expéditionnaire fait de puissance de projection et de mobilité qui remonte à Richelieu et aux « compagnies ordinaires de la mer ». La guerre a cessé d'être lointaine et choisie ; elle est de retour à nos frontières et imposée. Mises à la porte en Afrique, mises au défi en Europe, les troupes de marine - à ce jour le coeur battant de l'armée française - vont devoir se reconvertir.
Pour savoir où aller, il faut savoir d'où l'on vient. Ce livre remonte le long cours du tropisme africain de l'armée française et, donc, de la France.
Armée conquérante, force occupante, sentinelle de la Françafrique en même temps que « gendarme » de l'Afrique francophone pendant la Guerre froide et, pour finir, arrière-garde de la présence française au sud du Sahara, « la Coloniale » vient d'être rapatriée. Ses départs forcés - de la Centrafrique en 2015, du Mali en 2022, du Burkina Faso et du Niger en 2023... et, bientôt, du Sénégal et du Tchad ? - sont les étapes d'une grande retraite humiliante.
À la chute du jour, les ombres du passé ressurgissent : Fachoda, la colonne Voulet-Chanoine, le massacre de Thiaroye, la féroce répression anti-insurrectionnelle au Cameroun, le Rwanda, la plus tragique des nombreuses interventions de la France dans l'Afrique indépendante. Mais le requiem inclut le kyrie eleison, la « pitié » de reconsidérer la vie du mort au regard des circonstances. Dans la reconnaissance inégale de l'Autre, il y eut des officiers aux affaires indigènes aussi bien que des « tirailleurs », la fraternité d'arme dans deux guerres mondiales, le Régiment de marche du Tchad (RTM) reversé dans la 2e DB du général Leclerc, la libération par ses « sujets » de la métropole sous occupation nazie, les progrès de la médecine militaire tropicale.